1962-1970 : La maturité de la Collection SIGNE DE PISTE :

Signe de Piste, une Collection de Roman Jeunesse d’Aventure

Avec ce volume consacré aux années 1962-1970, c’est une facette méconnue du Signe de Piste qui apparaît. Cela risque d’étonner ceux qui ne voient dans Signe de Piste qu’une collection de romans scouts. 

Ou ceux qui voulurent réduire ces romans à la peinture d’une bourgeoisie défendant ses valeurs. Un article de Combat, ‘’journal issu de la Résistance », auquel collaborèrent Camus, Sartre, Emmanuel Mounier, Malraux, Raymond Aron…, avait fait du bruit en son temps, en titrant : « Signe de Piste, faux roman scout, vrai roman de classe » ! Cette réthorique marxiste fait sourire aujourd’hui ; mais à l’époque, elle fit trembler car elle initiait une technique qui allait se révéler dévastatrice : déstabiliser par l’opprobe. Même en se défendant et en faisant la preuve du contraire, l’accusé avait toujours tort. «Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose ».

Signe de Piste s’en est pourtant remis, et c’est la preuve qu’il a un fonds solide… Dans le même temps, ses concurrentes ont disparu et ses détracteurs d’hier font profil bas aujourd’hui, discrédités par leur malhonnêté.

Et maintenant que la polémique s’est dégonflée d’elle-même, on peut poser sereinement la question des contenus de cette collection. Cet album, comme les précédents, tente d’apporter quelques réponses, et plus d’un lecteur non familier de la collection pourra en être surpris… Les yeux de l’adulte ne sont plus ceux de l’enfant, et sans rien renier de ce qui nous a ému jadis, on peut essayer de comprendre ce que cachent les mots…

Ce qui frappe avant tout, c’est la disparition des romans scouts. Pour une collection que certains ont voulu réduire une fois pour toute à ce genre littéraire, ça a de quoi surprendre. Tant pis pour les réductions simplificatrices. .

C’est, ensuite, l’extrême diversité des thèmes. Qu’on en juge par les couvertures des romans reproduites ci-contre :

  • Faon l’héroïque, c’est l’histoire d’un enfant condamné par la maladie qui use ses dernières forces à réconcilier sa famille ;
  • Le Seigneur d’Arangua décrit les états d’âme d’un adolescent rebelle sur fond de vie dans les grandes fazendas brésiliennes, avec son cortège de crève-la-faim et de peones ;
  • Passeport pour Israël, c’est l’univers des kibboutz ;
  • L’Homme de San-Francisco, la vie d’un mousse à bord d’un trois-mâts au XIXe siècle;
  • Dans l’Enfer espagnol fait vivre les cauchemars de la Guerre d’Espagne, vécue dans les deux camps ;
  • Piqualise revisite les nostalgies de la terre et de l’enfance ;
  • Ray l’intrépide, du western-vérité sans John Wayne ni spaghettis ;
  • Les Tigres de Chaï-Fang évoque l’épopée coloniale.
  • La Fuite décrit l’errance des displaced persons : un enfant d’Allemagne de l’Est tente de rejoindre sa famille à l’Ouest.

Cette diversité de thèmes, la gravité de certains sujets, le sérieux avec lequel ils sont traités, le respect avec lequel l’auteur s’adresse au lecteur, tout cela est extrêmement nouveau à une époque où tout était fait pour maintenir l’enfance dans le respect de la vieille société. Mais la jeunesse commence à relever la tête. Mai 68 n’est pas loin, même si chacun l’ignore…

Signe de Piste a créé un ton nouveau. On n’est pas dans la littérature générale ; on n’est pas non plus dans ce ce qu’on range, parfois avec un brin de mépris, dans la ‘’littérature’‘ dite pour enfants (dont les frontières m’ont toujours paru très floues. Dickens, J.M. Barrie, Lewis Carrol ne s’adressent-ils qu’aux enfants ?)

Sa modernité vient, certes, de la capacité des directeurs de la collection à accueillir de nouveaux auteurs et à aborder des thèmes audacieux, de maintenir aussi très haute l’exigence de qualité littéraire. Mais elle vient surtout de ce qu’ils ont compris qu’une nouvelle classe d’âge, l’adolescence, est apparue. Et ils l’ont accueillie : les auteurs ne lui parlent pas comme à des enfants, mais d’égal à égal, les yeux dans les yeux…

première partie de la préface extraite de l’Intégrale SIGNE DE PISTE Tome 3 – 1962-1970