Génération SIGNE DE PISTE :
Signe de Piste, une Collection de Roman Jeunesse d’Aventure
» En ce temps-là « … ou: » Il était une fois « … Je remonte à 1948, ou j’y redescends. J’étais alors un adolescent plus ou moins prolongé qui se retrouvait très souvent au magasin » Signe de Piste » situé rue Garancière, juste derrière le chevet de Saint Sulpice.
Comment en étais-je venu là ? » Ad angusta per angusta » (comme disaient les personnages imaginés par Georges Ferney). Etant pensionnaire au collège de Juilly, tenu par les oratoriens, ma sœur m’avait écrit pour me persuader de lire » Le bracelet de vermeil » de Serge Dalens. Par une sorte d’esprit de contradiction que je ne m’explique guère, je tardai à me décider et finis par le faire, las des relances de ma sœur. J’achetai donc ce fameux roman scout et le lus d’une traite. J’étais enthousiasmé par les personnages, l’action, cette histoire d’amitié, le style allègre de Dalens et les dessins splendides de Joubert.
J’avais mis le doigt dans l’engrenage et je ne savais pas que cela m’entraînerait aussi loin dans tous les sens et que cela durerait si longtemps. Je fis donc le siège du magasin » Signe de Piste » tenu alors par Jean-Louis Foncine et où Jean-Claude Alain tenait de temps en temps la caisse.
Après » Le bracelet de vermeil » je dévorai toute la suite mouvementée des épisodes princiers jusqu’à la » Mort d’Eric « . Et puis il y eut Foncine: » La bande des Ayacks » et sa verve iconoclaste (entre le » Zéro de conduite » et » La guerre des boutons « ), » Le relais de la Chance au Roy » et toutes les aventures au » Pays perdu « , ce mélange de mystère, de grand jeu, d’amitié où la forêt créé un climat si particulier.
A cette époque, si lointaine déjà, les Editions Alsatia avaient à cœur de publier régulièrement des romans dont on attendait la sortie avec impatience, quelle que fusse la qualité des textes et des illustrations (Joubert n’illustrait pas tout). Puis, pour moi, il y eut » L’étranger dans la patrouille » de Jean-Claude Alain. Roman qui me donna l’audace de faire la connaissance de celui-ci (au magasin), de devenir son ami, et, grâce à lui, d’entrer en relation avec Serge Dalens, Jean-Louis Foncine, de côtoyer Georges Ferney lors de ses nombreux passages au magasin et au cours de dédicaces toujours pétillantes de malice.
Il y avait une animation constante dans cette boutique relativement petite dont l’activité la plus rémunératrice était la vente des romans » Signe de Piste » et autres ouvrages sur le scoutisme, et celle des photos de Manson, Jos, Foncine, Aiglon entre autres. Il était de tradition de faire des séances de » signatures » en fin d’année. Cela se passait dans les réserves du magasin, dans une salle allongée assez grande où les principaux auteurs venaient combler d’aise de nombreuses frimousses de garçons et de filles (la plupart scouts… et en uniforme) avec aussi quelques adultes, parents ou » afficionados « .
A cette époque, on venait tout juste de sortir de l’après-guerre et on entrait dans les années de renaissance dans tous les domaines. D’où une certaine nostalgie pas uniquement causée par les décennies qui passent et les amis disparus. Par l’intermédiaire de J.-C.A. je fis mon entrée dans le scoutisme, ce qui m’apporta une expérience enrichissante. Après mon service militaire, je retrouvai » la génération Signe de Piste » et, poussé à la fois par Jean-Claude Alain (qui avait fondé la collection Jamborée) et par Dalens et Foncine, je me mis à écrire un roman sur la guerre d’Indochine: » Minh de la rivière Thaï « . Ce fut assez laborieux et ce fut à ce moment que j’entrai dans les dessous de l’Edition. Etant en période de froid avec J.-C.A., je proposai mon manuscrit à Dalens et Foncine aui co-dirigeaient la collection Signe de Piste à cette époque. Ils trouvèrent le texte intéressant et y apportèrent de nombreuses corrections secondaires mais » exigèrent » que je fasse une seconde partie où mes héros se retrouveraient en France. C’était une erreur, mais je ne pouvais m’opposer à leurs exigences sous peine de voir mon manuscrit refusé. Il fallut donc m’exécuter de mauvaise grâce. Je fournis à Joubert une forte documentation sur la guerre d’Indochine (des tas de revues militaires). Il illustra d’une façon magistrale les passages que je lui avais suggérés. Il est vrai que mes descriptions étaient très précises, mais je n’aurais pu imaginer moi-même quelque chose de plus véridique. Outre son talent artistique pur, son métier, sa documentation exceptionnelle, Joubert a l’extrême mérite d’être un parfait illustrateur, fidèle à l’esprit des romanciers. Par contre, lorsque je lui demandai de me rendre la documentation que je lui avais fournie, il me répondit qu’un de ses fils en avait fait des découpages ! Je suppose plutôt qu’elle a enrichi sa documentation et lui pardonne bien volontiers.
Jean-Marie DANCOURT 27 mars 1999.