Le Manteau blanc

Roman Jeunesse – Collection Signe de Piste


Pierre LABAT

Parutions :

Editions Alsatia – 1950 – Signe de Piste n°40
(première édition)
Editions Delahaye – 2014 – Signe de Piste n°30


Résumé

Etrange roman, chargé d’histoire et pourtant plein d’une brûlante actualité ! Comme au temps des croisades, la Palestine est à notre époque le théâtre de luttes sans merci et de destructions irréparables. L’ombre du mystérieux et puissant Ordre du Temple, jadis chargé de la garde du Saint Sépulcre en Palestine, ne cesse de planer sur l’aventure périlleuse que vivent les héros de ce livre, recrutés parmi les Scouts marins et parmi les Raiders.
Réussiront-ils dans leur entreprise? Ils ont relevé le glaive du Temple, fait flotter à nouveau le grand Manteau blanc timbré de la rouge croix. Mais une fatalité semble s’acharner sur l’Ordre dont les membres furent jadis emprisonnés et torturés par Philippe le Bel.
La grande et noble figure du comte Folke Bernadotte, Chef Scout et médiateur de l’O.N.U. en Palestine, disparait tragiquement le 17 septembre 1948. Parti de l’histoire, le roman retourne à l’histoire. Peut-être un jour, malgré tout, le rêve des Templiers se réalisera-t-il, si comme les héros du roman, raiders ou marins, tous les Scouts de France reprennent pour eux-mêmes la devise éternelle, « gesta Dei per Francos ».
Les personnages du livre, raiders ou scouts marins, modernes frères du Temple, connaissent eux aussi des cruelles et funèbres aventures. Le pur manteau blanc, timbré de la croix sanglante, n’est pas un vain symbole. Par-dessus les siècles, Amaury, jeune Templier, et Jean-Marie, scout marin, se tendent une main fraternelle.


Fiche de Lecture

Pierre Labat figure, avec Georges Ferney, parmi les grands oubliés du SDP. Écrivain magnifique, personnage lui aussi flamboyant ( engagé volontaire à 18 ans en 1944, avocat, responsable Scout de France, plongeur avec Cousteau) son oeuvre sombre peu à peu dans l’oubli…
Ce roman incarne toutes les contradictions de l’homme SDP au sortir de la guerre: nostalgie de la vision médiévale de la société et son cortège de fidélités, fascination pour la mécanique, les transmissions et la modernité d’alors, confusion dangereuse entre les désastres coloniaux français et le devenir européen…le doute idéologique plane en permanence, et les héros de Labat pourraient indifféremment mourir à Dien Bien Phu, s’enrôler dans l’OAS Métro ou partir en Afrique avec une ONG, selon les époques
et les circonstances…
Le manteau blanc conte l’aventure d’un Ordre chevaleresque scout voué à la délivrance des lieux saints, c’est à dire de Jérusalem. Par l’intermédiaire d’un manuscrit, de jeunes scouts découvrent peu à peu qu’il leur est demandé d’aller mourir peut-être et servir sûrement sur les traces de l’Ordre du Temple…
Beau sujet, certes, mais terriblement ambigu…les menaces sont voilées mais réelles, car ce beau projet utopique semble déranger bien des ambitions plus terre à terre…
Alors bien sûr le jeune héros, Jean-Marie, devra mourir, pour rien…Labat, grand lecteur de Montherlant et probablement de Drieu La Rochelle, ne peut concevoir le service qu’inutile, mais tellement romantique…Lui-même périra jeune, rejoignant ses propres héros dans leur destinée tragique.
Le manteau blanc à existé comme ordre scout (il est cité par Foncine comme contemporain du Foulard de Sang) mais sans doute dans une forme beaucoup plus fantasmé que le roman.
Ce livre témoigne des limites de l’imaginaire SDP: jusqu’où peut-on aller lorsque l’on s’adresse à des adolescents? Quels modèles d’identification peut-on, en conscience, proposer à des jeunes de quinze ans? L’innocence du Bracelet ou du Relais de la Chance au Roy est bien loin et l’on s’engage dans cette histoire dans une stratégie de séduction extrêmement troublante, d’autant plus que le style est parfait, l’intrigue menée sans faiblir, et les illustrations de Joubert enivrantes et terriblement
attirantes…
Labat menait-il un double-jeu, écrivain pour ados le jour et sergent-recruteur la nuit d’une hypothétique Internationale aux enjeux nébuleux? Le doute persiste, l’enchevêtrement de la fiction et de la réalité déroutant le lecteur adulte qui ne sait plus guère distinguer le mirage du message…
Partageant avec Camus le goût du Sud et de l’engagement, Pierre Labat demeure une énigme, poète foudroyé trop tôt et emportant avec lui les clés de son univers intime. Reste l’oeuvre, unique en son genre, moderne et archaïque, réactionnaire et généreuse, sans doute au-delà de nos catégories habituelles…

Analyse d’Alain Jamot – 2004 (analyse publiée dans l’Intégrale SIGNE DE PISTE -tome 1)