Manfred

Roman Jeunesse – Collection Signe de Piste


Jean d’IZIEU

Parutions :

Ed. ALSATIA – 1964 – Coll. RUBANS NOIRS – n°31
(première édition)
Ed. DELAHAYE – 2005 – Coll. SIGNE DE PISTE (Campus n°2)


Résumé

Un garçon qui mûrit tranquillement dans une ville de Bourgogne, à deux pas des coteaux de Gevrey-Chambertin, au pays des bons vins et de la bonne cuisine. Entre un père  »dans le vent » et une mère… une vraie mère, quoi ! Avec un frère merveilleusement insupportable et la plus agréablement chipie des soeurs…
Et, en l’espace d’un mois, tout un drame. Tout s’enfuit, tout s’effrite : famille, amis. Nationalité même. Il faut, malgré soi, devenir un  »étranger ». Apprendre à appeler Austerlitz une défaite et Waterloo, une victoire. Voir se profiler sur sa vie l’ombre redoutable d’un passé dont jamais on ne s’est soucié. Et, de ce passé, surgissent des fantômes : Françoise, Manfred, Franz-Johann, Zwoboda… Voilà Manfred…


Fiche de Lecture

Jean d’Izieu situe l’action de son roman dans les années 60 (son héros, Manfred, né pendant la guerre, a 17 ans). La Seconde guerre mondiale est terminée depuis quelques années et les pays belligérants pansent leurs plaies, tandis que l’Union Européenne se met en place. L’Allemagne renaît de ses cendres en dépit d’un partage entre deux blocs Ouest et Est stigmatisé par le Mur de la Honte qui défigure Berlin.
Pourtant, l’ébauche de l’Europe, dont la France et l’Allemagne sont parmi les leaders, ne peut éviter l’incompréhension qui règne encore entre les anciens protagonistes qui ont du mal à se pardonner et à s’accepter. Difficile de concevoir qu’un peuple tout entier ait pu, à ce point, être berné par un parti politique et son Führer. Le peuple était-il complice dans sa totalité ou naïf au point de mourir pour la suprématie de la nation et de la race aryenne? N’étant ni l’un ni l’autre, c’est avec cette incertitude complexante qu’il doit aborder son avenir dès l’après-guerre. Jean d’Izieu, assisté de Michel Sabathier, a choisi cette période psychologiquement difficile pour tramer un roman quelque peu cornélien.
L’histoire est originale et parfaitement plausible: un adolescent heureux dans sa famille et dans ses activités scoutes (encore qu’il ait quelques problèmes propres à son âge) découvre dans le même temps que ses ‘‘parents » ne sont pas ses parents, qu’il est en fait un enfant adopté et fils d’un officier allemand et d’une française. Dans les années soixante, les blessures de la guerre sont encore profondes au sein de sa famille d’adoption (son père, tout particulièrement). Déchiré entre son affection pour ses parents et la loi qui l’oblige à rejoindre une grand-mère baronne prussienne, il doit accepter de partir vivre dans le château familial près de Bingen.
Jean d’Izieu, que sa fonction de prêtre a habitué à sonder les âmes, nous décrit clairement la déchirure ressentie par Maurice/Manfred. Le lecteur s’identifie très rapidement à celui-ci, torturé entre son éducation française et ses réelles origines.
Il doit tout réapprendre, contraint et forcé, de la langue qu’il pratique déjà scolairement, à l’histoire car, ainsi que le souligne l’auteur : Austerlitz, d’éclatante victoire napoléonienne, devient une défaite et Waterloo, la victoire symbole de la chute de l’envahisseur français sanguinaire !
Comme tous ces enfants nés de couples issus de peuples ennemis, il devient «l’étranger» d’un côté et de l’autre de la frontière.
Il devra découvrir un père mort sous l’uniforme S.S., une maman victime de la Gestapo, une grand-mère à la rigidité toute prussienne à qui il refuse obéissance et soumission.

première partie de l’analyse de Michel BONVALET, extraite de l’Intégrale SIGNE DE PISTE Tome 5 – 1960-1970