Le Désert sacré

Roman Jeunesse – Collection Signe de Piste


Edith LESPRIT

Parutions :

EPI Editeur. – 1975 – Signe de Piste n°4
(première édition)
SIGNE DE PISTE Editions – 1888 – Signe de Piste n°4
Editions DELAHAYE – 2018 – Signe de Piste n°69


Résumé

Le désert sacré, c’est l’histoire d’un jeune garçon blanc qui pourrait être un fait divers authentique, car chaque année de nombreux Européens se perdent dans l’immensité de la brousse australienne.
Chris, qui s’est éloigné imprudemment de la jeep en panne conduite par son frère devra pour survivre, partager la vie des Gubabingus, les derniers survivants de l’âge de la pierre taillée.
Mais Chris rencontre Kundu, sa bravoure, son impétuosité, son étrange liberté. Il accompagne son ami à la chasse, il subit avec lui toutes les épreuves de l’initiation, il partage ses sacrifices, ses joies, ses dangers. Hélas, il découvre bientôt l’affreux génocide organisé par les Blancs, contre ses nouveaux amis, au nom d’intérêts sordides et de préjugés absurdes.
Revenu à la « civilisation », pourra-t-il regarder les siens en face ? Christophe Mac Cullagh existe-t-il encore ou ne reste-t-il que Moko-Moko, le fier chasseur gubabingu ?


Fiche de Lecture

En ce temps là, Edith Lesprit se faisait appeler Eric…Pourtant 1968 était déjà passé par là et la femme enfin libérée… Sans doute pensait-elle qu’un auteur masculin de Signe de Piste était plus crédible auprès des jeunes lecteurs qu’une jeune femme ayant déjà parcouru la plus grande partie du monde. Depuis, les nouvelles éditions ont repris le prénom d’Edith et ce n’en est que mieux. Edith Lesprit a vraiment un très grand talent de conteuse.
Son livre à peine ouvert nous transporte en pleine aventure dans le bush australien en compagnie des Australoïdes. On est littéralement transportés dans un monde inconnu qu’elle nous donne envie de découvrir avec elle. Une fois encore elle parle de ce qu’elle connaît bien puisqu’elle a côtoyé et vécu avec la tribu des Gubabingus au cours d’un séjour d’étude ethnographique sur les Aborigènes d’Australie. Son récit est admirablement documenté. Les mœurs, les coutumes, les dialectes, la nourriture, les armes et les rites initiatiques, tout est fidèlement décrit et inclus dans ce roman au fur et à mesure du déroulement de l’histoire. Afin de justifier ce documentaire qui nous donne une autre vision de ces êtres frustres qu’on disait il y a encore peu de temps sauvages, alors qu’ils ne sont que primitifs et désireux de conserver cette liberté qu’ils cultivent dans une itinérance permanente, l’auteur a imaginé l’aventure d’un jeune garçon de 15 ans, Christopher Mac Cullagh.
Au cours d’un voyage en jeep avec Mark, son frère aîné, dans le désert australien, il se retrouve seul auprès du véhicule en panne tandis que son frère part chercher du secours à plus de cent kilomètres. Le soleil, la soif ont raison de lui et c’est un corps inanimé que découvre Kindu le jeune fils du chef de la tribu des Gubabingus. Soigné, nourri, adopté par le chef comme son second fils, Chris va devenir au fil des mois un véritable aborigène sous le nom de Moko-Moko. Pendant plus d’un an, il va partager la vie de la tribu nomade, il sera même initié aux rites secrets et recevra les tatouages rituels faisant de lui un véritable guerrier.
Il prendra conscience du racisme envers ces peuplades pacifiques mais dérangeantes par leur refus de la civilisation blanche et de leur extermination progressive jusqu’en 1962 quand ils ont obtenu des droits sur les territoires qu’ils occupaient depuis plusieurs milliers d’années (on pense également aux indiens d’Amazone, entre autres). Bien sûr, Moko-Moko devra retourner vers les siens au prix d’un grand déchirement, laissant la tribu à sa liberté et à ses grands espaces.
Edith Lesprit nous dévoile la vie des Australoïdes demeurés à l’âge de pierre, avec force détails y compris dans ce qui peut nous paraître cruel comme l’abandon des vieux ou la suppression d’un nouveau né jumeau pour réguler leur population. Rien ne nous est épargné des dangers du bush et du désert : serpents, scorpions, crocodiles mangeurs d’enfants…C’est dur. C’est passionnant. C’est l’aventure sous sa forme la plus forte…La vie primitive dans sa plus simple expression.
Il y a du Yug, du Longue piste dans ce roman qui a pris sa place parmi les classiques de Signe de Piste et qui a reçu le « Prix de la joie de vivre par le livre en 1976. » Je ne saurai que trop recommander à ceux qui ne l’ont pas encore lu de plonger dans cet univers mal connu. Il vaut cent fois mieux qu’une télé réalité spécialisée dans l’art de survivre.

Analyse de Michel Bonvalet- 2001