Jovanni

Roman Jeunesse – Collection Signe de Piste


Pierre DELSUC

Parutions :

Ed. ALSATIA – 1956 – Coll. SIGNE DE PISTE – n°8
(première édition)
Coll. SAFARI-SIGNE DE PISTE – n°72
Ed. DELAHAYE – 2005 – Coll. Cabestan – n°1


Résumé

Jovanni, c’est un indéchiffrable garçon corse rencontré un soir dans le maquis d’une vallée sauvage, par une patrouille de scouts partie en exploration de quelques jours.
Inexplicablement, il s’acharne sur elle : pluie de pierres, charrette renversée…
Les scouts, surmontant leurs frayeurs, s’apprêtent à réagir vertement, mais il est blessé.
Et c’est bientôt pour eux la découverte d’une singulière et attachante personnalité, celle d’un garçon dur, solide, dédaigneux, toujours égal à lui-même, et qui va bientôt les mener au travers d’inquiétantes aventures.
Il faudra lutter contre la fatigue, l’incendie, accepter de ne rien comprendre de celui qui, un matin, disparaîtra comme il est venu, laissant seulement le souvenir de lui, quelques notes d’une berceuse corse et un petit morceau de papier sur lequel il a écrit : … Je vous aimais bien.


Fiche de Lecture

Lorsque tout jeune enfant j’ai pris la décision de devenir Scout de France et me suis présenté au local, sur invitation du Chef de troupe, le premier livre que m’a tendu mon nouveau CP pour m’aider à comprendre ce à quoi je m’engageais fut « Pour entrer dans le jeu » de Pierre Delsuc et Pierre Joubert. Je m’y suis plongé le soir même avec avidité.
L’un est demeuré l’illustrateur qui m’a le plus touché et à qui je voue une profonde admiration, l’autre cet auteur dont l’élégance du style n’a cessé de m’impressionner.
Le texte de Jovanni ne fait que confirmer cette opinion et certains lecteurs passionnés n’ont pas hésité à le qualifier de chef-d’œuvre.
Un livre profond au texte irréprochable qui suscite la réflexion sur l’importance de certaines rencontres qui bouleversent le quotidien et influent très fortement sur la vision de la vie.
L’histoire est simple et n’aurait pas du bouleverser outre mesure la vie des patrouillards du Coq qui, au cours d’une explo en camp volant, avaient choisi de traverser les montagnes de Corse pour se rendre à Corte.
Hasard des dates ? des lieux ? Deux clans en pleine Vendetta avaient également choisi l’endroit pour régler une dette vieille de plusieurs années : les Orsini et les Peretti, qui pour mettre fin à une querelle familiale avaient entrepris une véritable bataille rangée. Jovanni, principal concerné par cette vendetta, tente d’effrayer la patrouille afin de lui éviter de se trouver dans le périmètre dangereux. C’est sans compter sur l’opiniâtreté et le courage des scouts, dont deux sont encore de jeunes novices, qui doivent impérativement se rendre à la fête de St-Dominique par la voie la plus courte.
Jovanni en tentant de les affoler se fera prendre, et naîtra entre l’enfant farouche et libre et le 3ème de patrouille, narrateur de l’histoire, une profonde amitié que nous conte l’auteur avec beaucoup de pudeur.
C’est l’occasion pour Pierre de décrire avec minutie et poésie les splendides et sauvages décors de la montagne corse, d’évoquer les chants ancestraux et folkloriques par la voix mélodieuse de Jovanni. Ces chants qui perçent les ténèbres, répercutés par les rochers, qui semblent irréels et venir de nulle part et de partout à la fois, à qui la langue corse se prête aussi bien en ajoutant au mystère.
Il sait nous transmettre l’angoisse qui étreint les jeunes garçons devant cet ennemi invisible qui provoque des avalanches sur leur chemin et tire des coups de feu dans la nuit. Ce pourrait être la description d’un grand jeu si l’un des antagonistes ne tentait d’étrangler Jovanni pour le punir d‘avoir trahi.
L’ensemble a un côté un peu théâtral et notamment l’apparition soudaine du jeune corse et sa capture, mais au-delà du pittoresque on y décèle une grande profondeur des sentiments. Cette rencontre avec un être d’exception changera pour toujours chacun des membres de la patrouille. La sauvagerie des décors, des mœurs ancestrales et brutales nous semblent peu en rapport avec notre vie contemporaine et citadine, alors que l‘actualité nous parle encore de ce pays magnifique ou la poudre remplace souvent le dialogue.
L’honneur lavé par le sang, en bataille rangée est-il encore de mise au 21ème siècle en France ?
Les parents devenus prudes et surprotégeant leurs enfants, accepteraient-ils de nos jours de laisser de très jeunes gens courir de tels dangers réels.
Pierre Delsuc nous parle d’une autre époque pourtant pas si lointaine où l‘aventure et la formation était le but du scoutisme.
Pour les scouts Jovanni demeurera celui qui les a rendu plus forts et plus adultes et qu’ils ne reverront sans doute jamais pour ne conserver que la qualité de cette belle rencontre.
Un très beau roman qui évoque un scoutisme de liberté et de danger librement consentis, école du courage, frontière entre l’adolescence et l’âge adulte.
L’auteur conte de façon romanesque une aventure « pour entrer dans le jeu » sans doute tirée de ses propres souvenirs de camp.

Analyse de M.B. – 2014