Daniel VALIANT

Auteur – Roman Jeunesse – Collection Signe de Piste


Etat Civil :

Né le 2 juin 1951 à Tunis (Tunisie)


Entretien

Brigitte : Est-il indiscret de te demander comment tu as choisi ton pseudonyme ?
Daniel Valiant : J’ai choisi mon pseudonyme en référence à la Bande dessinée de Harold Foster « Prince Valiant », en français « Prince Vaillant » que je lisais étant enfant et ado.

B : Comment as-tu connu la collection Signe de Piste ?
DV : Très jeune ma grand-mère nous lisait le soir pendant les vacances les aventures du Prince Eric, les romans de Foncine et autres Signe de Piste. Nous collectionnions mes cousins et moi les vignettes du chocolat Suchard qui reproduisaient les dessins de Pierre Joubert en réduction. Par la suite j’ai oublié tout cela et un jour j’ai redécouvert dans la devanture d’une librairie le Signe de Piste avec « La Tâche de Vin » de Dalens et attiré par le dessin de Une de couverture j’ai acheté le livre et ainsi j’ai découvert l’existence du Prix des Moins de 25 ans et le Prix du Synopsis. Puis j’ai relu «La Bande des Ayacks» de Foncine.

B : Et comment as-tu eu l’envie de participer aux prix ?
DV : Ecrivant depuis l’âge 13 ans j’avais le synopsis de Ciel des Sables prêt, je l’ai envoyé et j’ai été reçu en avril 1974: j’ai décroché le prix du synopsis! C’est alors que Foncine m’a pris sous son aile et que je me suis engagé dans le concours du Prix des Moins de 25 ans 1976 et j’ai été couronné et donc publié.

B : Peux-tu nous raconter la façon dont ce prix se déroulait ?
DV : Le Jury indépendant était à l’époque présidé par Gilles Delacour avec comme secrétaire Delphine Roughol, et d’autres membres tous jeunes moins de 25 ans, étudiants ou lycéens, collégiens. C’est la direction de la Collection qui transmettait les manuscrits des candidats au jury qui délibérait en secret sans influence extérieure. Les résultats étaient proclamés en avril au Restaurant le Parme dans le 17ème près la porte de Clichy dans une ambiance chaleureuse. Le prix était remis en présence des Dalens, Foncine, Joubert, Gourlier, Jean-François Pays, Valbert et d’autres, les éditeurs les anciens lauréats, comme Robert Alexandre, Hélène Montardre, Hugues Montseugny, et le Président des Amis du Signe de Piste. Un repas fraternel concluait la proclamation du Prix.

B : On parle dans La Caverne du Temps d’un autre roman, Le Renard des étoiles…
DV : Oui, c’est un conte qui raconte aux enfants comment un Isatis, un Renard Polaire Blanc, s’égare dans la forêt Bourguignonne et, sans le vouloir, participe à la recréation du monde. Un peu de mythologie racontée aux enfants et de l’humour aussi.

B : As-tu continué à écrire après Signe de Piste, pour d’autres maisons d’édition ? Si c’est le cas, peux-tu nous parler de la suite de ton œuvre ?
DV : La suite de mon œuvre ce sont 22 romans plus ou moins avancés et hélas j’ai fait d’autres choix, avec des activités qui m’ont éloignées de la littérature ou plutôt de l’écriture.

B : D’où est venu ce titre, «La Caverne du Temps» ?
DV : Ce titre est emprunté au titre d’une planche de «Prince Valiant», de Hal Foster, qui considérait chaque planche comme un chapitre et lui donnait un titre. Précisément dans cette planche Prince Vaillant entre dans une grotte et rencontre une sorcière qui le convie à entrer en contact avec son destin et donc avec lui-même.

B : D’où t’es est venu l’idée d’écrire sur les Vikings, peuple assez peu représenté dans la littérature pour la jeunesse ?
DV : J’étais au début des années 70 étudiant en Droit mais aussi en Histoire. Je m’intéressais à la technique de construction des navires depuis l’antiquité et notamment aux drakkars ou snekkars. J’avais un professeur extraordinaire, en Histoire des Sciences et des Techniques, Michel Serres, Historien, Philosophe.
Mais aussi en tant que Bourguignon je me suis intéressé à la Légende des Nibelungen, au Ring de Wagner et à la mythologie scandinave. Dans la Légende des Nibelungen, les Burgondes, ancêtres des Bourguignons, occupent une place centrale et cette légende a été transposée en Allemagne puis en Scandinavie, par des chemins curieux et passionnants à suivre.
Ainsi j’ai découvert l’Europe du Nord et son passé, les invasions normandes et l’histoire incroyable de ce peuple qui a conquis de nombreux territoires dans toute l’Europe, l’Afrique du Nord, le Proche Orient, l’Asie, et qui a découvert le Nouveau Monde (l’Amérique) 500 ans avant Christophe Colomb.

B : Dans Ciel des Sables, tu donnes une image inhabituelle des Vikings, souvent dépeints comme des Barbares sanguinaires. Dans le roman, la société et l’organisation politique de Blaakilde ont un aspect très démocratique, s’opposant à la tyrannie du roi Olaf de Norvège.
DV : Effectivement les Vikings étaient un peuple très organisé, et on peut s’en rendre compte en lisant les œuvres des historiens comme Lucien Musset et surtout Régis Boyer ou Georges Dumézil. Ce qui m’a frappé à l’époque c’était le décalage entre les caricatures présentées dans certaines bandes dessinées décrivant les Vikings et la réalité historique. En voulant en savoir plus, j’ai souhaité, par le roman, décrire une réalité plus proche de la vérité historique. J’ai eu aussi l’occasion de lire les sagas, dans la traduction de Lucien Musset et les aventures d’Erik le Rouge dans le texte sont bien meilleures que dans certaines œuvres caricaturales.

B : A l’opposé de La Fille du Roi de la Mer, un autre Signe de Piste consacré aux Vikings, dans Ciel des Sables, les « méchants » sont chrétiens (sauf Priest) et les « gentils » païens. As-tu voulu prendre le contre-pied d’un discours « missionnaire » ?
DV : De fait le roi Olav 1er de Norvège s’est appuyé sur le clergé chrétien et le Pape pour asseoir son autorité et détruire les clans et les Jarls (les Comtes) qui sapaient l’unité de la Scandinavie. Par la suite, Guillaume le Conquérant, successeur de Rollon ne fera que reproduire un schéma déjà adopté au temps de Clovis qui a écrasé au VIème siècle les Burgondes (tiens, encore eux !) en se faisant baptiser pour obtenir l’appui de saint Rémi et du pape de l’époque.

B : De même la communauté des Vikings de Blaakilde, avec leur amour de la nature, leur groupe qui fonctionne comme une communauté assez idéale où hommes et femmes semblent égaux, est-il le reflet des années 70, avec ses communautés hippies ?
DV : Non, pas du tout: les sagas, qui sont intemporelles, décrivent fort bien ce type de fonctionnement. Je n’ai fait que restituer un climat que l’on ressent très fortement en lisant les bonnes traductions des principaux textes de la littérature scandinave. Mais c’est vrai, le contexte des années 70 m’a certainement influencé de façon inconsciente.

B : Après le second tome de La Légende du Goéland Blanc, il est indiqué dans le livre que deux autres tomes devaient paraître (L’Oiseau Blessé et La Croix Noire). Ces romans ont-ils un jour existé ?
DV : Les romans sont aujourd’hui à l’état d’ébauche très avancée et sont quasiment terminés, en cours de relecture et de correction. Le Cycle de la Légende du Goéland Blanc concerne aussi des aventures dans les Pyrénées, au temps des Cathares, et en Bourgogne au temps du duc Philippe le Bon. Puis d’autres histoires pendant la 2ème guerre mondiale et d’autres encore qui se déroulent de nos jours.

B : Le roman est magnifiquement illustré par Pierre Joubert. As-tu été en contact avec lui pour les illustrations ?
DV : J’ai rencontré Joubert à plusieurs reprises chez lui à Meudon, dans sa maison rue de l’Observatoire, et je lui ai apporté de nombreux documents historiques dont il n’avait pas besoin, faut-il le dire, mais il a accepté de les regarder et surtout nous avons choisi ensemble les pages à illustrer sur des croquis (ignobles) que j’avais osé lui soumettre.
La couverture de Ciel des Sables et de la Caverne du temps sont inspirés de mes croquis mais le résultat a été bien au-delà de ce que j’imaginais. Quel artiste !! Quelle rencontre !! Il n’y a pas une semaine qui passe sans que je pense à ce que fut ce travail réalisé en symbiose avec Pierre. Tout simplement parce qu’il a donné vie à mes personnages.

B : Une petite «exclue» pour tes lecteurs ?
DV : J’ai réécrit la fin de la Caverne du Temps !

B : Cette fin alternative finit bien mieux que la fin publiée (à l’inverse de la fin écartée de La Tache de vin qui finissait mal). Quand l’as-tu écrite ?
DV : En 1999, bien après l’écriture du roman. Cela me trottait dans la tête depuis 1978, lors de la remise du manuscrit original.

B : La première fin était très sombre, très pessimiste. Cédric avait quelque chose d’un roi Lear abandonné de tous. Là, elle est plus optimiste, et du coup semble annoncer la suite de deux histoires : celle de Gaël d’une part et celle de Cédric et Daneris d’autre part. Etait-ce pour pouvoir poursuivre plus longuement la saga ? Ou parce que finalement tu as eu des remords de punir si durement ton héros ?
DV : Je voulais effectivement ménager la suite mais pas forcément pour Cédric, Daneris et Gaël. De plus, le roman n’offre plus une fin «fermée », le lecteur peut imaginer lui-même une suite pour des aventures de Daneris et Cédric dans le Nouveau Monde et pour Gaël en tant que Jarl de l’archipel des Goélands. Le vrai problème de la fin de la Caverne du Temps c’est que l’on passe, sans rien romancer, de la période du début du gouvernement de Cédric et du départ de Daneris à la fin proprement dite qui fait table rase de 30 ans de la vie des personnages. C’est une ellipse, comme on dit, mais un tel raccourci est très frustrant. En fait la vie des personnages aurait mérité à elle seule une longue saga, mais l’auteur n’a pas eu matériellement le temps de l’écrire. Oui, j’avoue que j’ai des remords de punir le héros principal, qui finalement ne méritait pas tant d’indignités. C’est vrai, il a « trahi » son ami, largué son premier amour, mais bon, ça arrive à n’importe qui, c’est la vie. De plus, ce ne sont pas des histoires que l’on raconte habituellement dans Signe de Piste. Enfin les héros parfaits, monogames, trop bons chrétiens, fidèles, sont suspects et vite ennuyeux. Attention, je ne prêche pas pour mettre en avant des héros tordus ou torturés ! Je souhaite emmener mes lecteurs dans des aventures pour les faire rêver et pourquoi pas, les inciter à réfléchir sur eux-mêmes. Et surtout les inciter à lire. Lire, c’est le début du bonheur et de l’amour, parce que cela éveille l’esprit, l’imagination et suscite le rêve, donc l’envie de vivre ses rêves. De vivre, tout simplement.

Daniel VALIANT – 2012 interview réalisée par Brigitte sa femme


Bibliographie

Ciel des sables, roman Signe de Piste 1976
La caverne du temps, roman Signe de Piste 1977