Conrad

Roman Jeunesse – Collection Signe de Piste


Pierre LABAT

Parutions :

1961 – Signe de Piste n° 150
2015 – Collection Signe de Piste n°45 – Editions Delahaye


Résumé

L’atmosphère tendue et troublante de l’Allemagne aux lendemains de la tourmente de 1939-45, quand rodent encore les « loups-garous », ceux qui n’ont pas pu se défaire d’un rêve de grandeur évanoui dans le sang et les flammes.
Quelque part en Rhénanie, à la tête d’une troupe scoute qui regroupe les fils des militaires de l’armée d’occupation, apparaît un personnage extraordinaire et mystérieux : François.
Qui est, au fond, celui qui se prétend un héros de la Campagne d’Italie ?
Extravagante et dangereuse mission que quelques garçons doivent entreprendre et qui les mène du sinistre Burg du Rheinfels, au château de Cahusac-Dennesturm entre Coblence et Trèves, et au chalet perdu sur les bords du Lac de Constance.
Sur le tout plane l’ombre de la redoutable « Rote Erde », la Sainte Vehme qui apparut à toutes les époques troubles de l’histoire germanique.


Fiche de Lecture

François Bayeul est un bien étrange chef de groupe, et son comportement éveille vite les soupçons de la patrouille des Écureuils. D’un ressort dramatique bien connu, Pierre Labat fait, dans ce premier roman, un étonnant mécanisme qui ne cesse de rebondir.
Lorsque l’on croit avoir compris, hop, ça repart, et de nouvelles péripéties nous tiennent encore en haleine. Michou, le petit scout, a sa théorie et sa vérité, Pierre l’assistant aussi, et les policiers, et tous ont raison…
On découvre aussi l’ambiance dramatique et survoltée de l’Allemagne de l’après-guerre, ses fantasmes de complot et de résurgence néo-nazie, son obsession de l’affrontement à peine achevé et surtout le Werwolf (‘’loup-garou’’), ce mythique réseau nazi né juste à l’effondrement du IIIe Reich, sur l’ordre d’Heinrich Himmler et composé de SS et de membres de la Hitlerjugend parfois très jeunes.
On notera d’ailleurs que Labat l’orthographie Wehrwolf (‘’loup militaire’’, ou ‘’loup de défense’’, jeu de mot avec Wehr, qui signifie ‘’défense’’ ou ‘’militaire’’), alors que la graphie commune et d’époque est Wer…
Il est étonnant aussi que ce mythe du réseau de jeunes nazis n’ait pas davantage été utilisé dans le Signe de piste de l’époque, tant sa dimension romantique et inquiétante, voire mythique, frappe les esprits. Lars von Trier, le cinéaste danois, réutilisera avec brio ce gimmick dans son film Europa, en 1991.
Ce premier roman n’atteint pas les sommets de Deux rubans noirs ou du Manteau blanc, mais les obsessions de l’auteur sont déjà là : fidélité à sa parole, à sa foi, à son pays, obsession de la société secrète (ici la Sainte Vehme et son rituel macabre et millénaire), histoire allemande et française mêlées, fascination des corps d’élite, fraternité scoute réelle, spiritualité exigeante et un peu désincarnée, intrigue du roman tirée de la vie réelle (tout comme dans Le Manteau blanc)…
Le jeune auteur y mélange références directes au Signe de piste (au Bracelet de vermeil en l’occurrence) et péripéties dignes de Jean de la Hire. Il se situe donc volontairement dans la tradition du roman scout, même si l’on y décèle déjà ce qui fera son succès ultérieurement, ce romantisme virtuose et cet humour, intimement mélangés et rarement égalés par ses concurrents. Quelques passages un peu mièvres avec de grandes déclarations d’amitié réciproque datent un peu, mais c’était l’époque qui voulait ça.
Enfin le héros meurt à la fin, tragiquement, et ce trait se retrouvera systématiquement dans tous ses romans. Influence de Dalens, romantisme naturel, tendance au mélodrame ? Sans doute un peu de tout cela. Et après tout, les ressorts de la tragédie sont si anciens qu’il serait sans doute illusoire de vouloir les remplacer ou les surpasser, particulièrement dans un roman scout destiné aux adolescents.
Il existe deux éditions de l’ouvrage, l’édition originale illustrée par Igor Arnstam (1949) et la réédition de 1961, cette fois illustrée par Joubert, et dans laquelle on apprend que Labat était fils d’un officier supérieur de l’Armée française.

Analyse d’Alain JAMOT – dans l’Intégrale SIGNE DE PISTE – tome 2.